Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Salubrité
13 février 2013

De la dégradation de la pensée critique dans le monde enseignant.

Une nouvelle caractéristique semble se dessiner dans le paysage français: l'absence de critique sociale dans le monde enseignant. Fait ou fausse impression? Il apparaît (malheureusement) que le monde enseignant, pourtant toujours redouté et détesté par le monde de l'entreprise, les militaires ou autre bien-pensants, soit rentré dans le rang. Quels sont les éléments qui nous permettent d'en arriver à cette conclusion?

Premièrement, le manque de consternation, à la fois chez les enseignants mais surtout chez les futurs enseignants, vis à vis de la formation et notamment de la mastérisation. Malgré une volonté affichée par le précédent gouvernement de mettre le maximum de bâtons dans les roues des futurs candidats avec l'obligation d'obtenir un Master pour passer le CAPES et la surcharge de travail qu'il implique, l'ajout de nouvelles épreuves au concours dont la tristement célèbre "Agir en fonctionnaire de l'Etat de façon éthique et responsable", aucune action de contestation n'a émergé parmi les étudiants: pas de protestation, pas de mouvement de grève, pas même une pétition. Pire! Ces mêmes étudiants semblent avoir tous accepté, avec une certaine résignation, cette "formation" enseignante qui apparaît désormais bien partie pour rester en place. La pensée dominante semble même aller vers une acceptation positive à la fois de la mastérisation alors que la question de la formation y est peu présente et à la fois de la nouvelle formule du concours où certains étudiants considèrent qu'il est après tout normal qu'une personne qui aspire à être fonctionnaire doit connaître les modalités de fonctionnement de la structure dans laquelle il va travailler, même si connaître les institutions n'est pas une garantie pour être un bon professeur(et demeure franchement infantilisant). Pourtant, les éléments ne manquent pas pour qu'une action de contestation se mette en place: articles de presse, rapport de la cour des comptes 2012, rapport Jollion. Autant d'éléments qui légitimeraient une action pour forcer le gouvernement à agir mais là encore: silence totale. Serait-ce les effets d'une crise économique qui pousseraient les étudiants à accepter tout et n'importe quoi devant la crainte du chômage? Serait-ce cette atmosphère pesante, cette détresse qui fait qu'on ne sait même plus de quoi l'avenir sera fait? Serait-ce cette idéologie dominante qui, à marteler que les idéologies étaient dangereuses, aurait réussi à instaurer une courant de pensée qui favoriserait l'inaction? Nous osons penser que oui. Le manque de mouvements sociaux dans une société, désormais toujours plus obsédée par "l'ordre et la discipline" révèlent avant tout un constat inquiétant car derrière le manque de revendications politiques des enseignants; c'est avant tout le symbole du mal-être d'une France qui n'ose plus contester et qui semble aujourd'hui aussi droite qu'un cadavre qui se dessine en filigrane.


Autre élément, alors que l'Education Nationale est une branche de la République qui doit demeurer une et indivisible et dont la valeur centrale est l'égalité, l'enseignement se transforme de plus en plus en instrument de l'inégalité et en une institution où la promotion des hiérarchies sociales prend une place toujours plus grande. Il est désormais de plus en plus acquis chez les enseignants que ce sont eux qui font la loi dans leur classe, qu'ils sont dans une relation autoritaire de maître à élève et non dans une relation d'échange qui n'implique aucune domination de l'un sur l'autre. Acquise aussi l'idée d'une discrimination par la note malgré le côté dégradant (notion de tri entre "bons" et "mauvais") et insultant(qui n'a jamais pris pour lui ou elle une note franchement basse? Qui ne s'est pas senti insulté par des commentaires peu élogieux?) de la chose et l'idéologie douteuse qu'elle sous-tend (concurrence poussée à l'extrême), elle reste un procédé sacré et nécessaire pour la majorité car "on ne peut pas faire passer tout le monde". C'est donc sous cette "devise" que se cache l'idée pernicieuse qu'au fond, tout le monde ne mérite pas la même place dans la société: il faut des "bons" et des "mauvais", des "forts" et des "faibles". La méritocratie est devenu aujourd'hui l'alpha et l'omega d'une école garantissant l'"égalité des chances" dans une société qui ne l'est pas pourtant pas. Que signifie véritablement méritocratie? Peut-on raisonnablement penser qu'un élève dont les difficultés sociales auraient un impact non négligeable sur son travail mérite en plus de subir une double peine avec des mauvaises notes? Et même, peut-on considérer qu'un élève qui aurait des mauvaises notes mériterait ainsi une situation sociale où se côtoieront difficultés économiques et parcours du combattant quotidien? Face à cette situation, on trouve peu de remise en cause. Alors que la mission de l'enseignement reste avant tout celle d'ouvrir les esprits au monde, l'objectif des établissements scolaires actuelles semble surtout être dévoué à une course effrénée à l'excellence (par la note), à qui "produira" le plus de futurs ingénieurs et à la concurrence face aux autres établissements.


Et le manque de remise en question et de changement face à cet état des lieux n'incite pas à l'optimisme.

Publicité
Publicité
Commentaires
Salubrité
  • Un blog pour réfléchir et faire réfléchir. Nous n'avons point la prétention de montrer une voie mais cherchons à éveiller les consciences, provoquer les certitudes et engager le débat.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité